Ca se passe chez nous
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- Créé le mercredi 26 septembre 2012 16:29
- Écrit par Ch. Delhez
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Editeur : Dimanche Junior
Date publication : 2005-05-11
Programme : I3A II1A II3B III1B III2B IV1A IV2B IV3B VI2B VII2A VII2B
Niveau :
Ça se passe chez nous !
Le parcours du combattant
Pendant une heure et demie, j’ai été un étranger, un fuyard, j’ai essayé d’être un réfugié. Et ça s’est mal terminé, j’ai été renvoyé, menottes au poing, dans mon pays. Non, ce n’est pas un rêve c’est — heureusement! — un jeu de rôles.
Une exposition[1] multi-médias et un jeu de rôles extraordinaires plongent le visiteur dans l’incroyable vécu des exilés. Ici, on les voit arriver, mais eux, ils fuient. Dans notre pays, seulement 10% des demandeurs d'asile seront reconnus comme réfugiés, soit 1507 en 1994.
Quitter son pays
Onze parcours sont proposés: Rwanda, Zaïre, Soudan, Algérie, Colombie, Bosnie, Roumanie, Kurdistan, Iran, Pakistan, Russie. J’ai choisi le Zaïre, ayant moi-même vécu dans ce pays. En 1994, il a connu le plus haut score: 1.963 demandeurs d’asile. En 1995, ils venaient juste après l’ex-Yougoslavie et l’ex-Union Soviétique: 968. Pour une heure et demie, j’ai été Caroline, 23 ans, étudiante fuyant son pays. Quand par le canal des médias, on est tout le temps mis en contact avec les images de la richesse et que les moyens de transport sont aujourd’hui si faciles, la tentation est bien forte. Le rêve est tellement plus beau que la réalité…
Il y a bien des motifs de quitter sa terre natale dans l’espoir d’une nouvelle vie: difficultés politico-économiques, environnement défavorable (sécheresse…), guerres meurtrières. Sais-tu qu’en vingt ans, les mines ont fait un million de morts et cinq cent mille blessés. Toute les demi-heures quelqu’un marche sur l’une d’elle, dans un des soixante pays au moins à être minés. Un des pays producteurs de ces engins de mort, c’est le nôtre.
Dans la peau de Caroline
Reprenons le chemin de Caroline. Elle ne supporte plus la débâcle économique et politique de son pays qui vit depuis trente ans sous la dictature du Maréchal Mobutu Sese Seko. Elle se souvient de son frère qui, là-bas en Belgique, est réfugié. Il faut partir.
“Je n’étais pas encore partie que j’ai déjà rencontré un premier obstacle: la douane de mon pays. La police corrompue a voulu, sous prétexte que mes papiers n’étaient pas en règle, me soustraire de l’argent. je n’en avais pas. J’ai alors été mise en prison. Enfin libérée, je prends l’avion et arrive en Belgique, mais mes papiers ne sont pas en règle. Me voilà embarquée pour deux mois au Centre 127, à Zaventem, comme 1.113 personnes en 1994. 396 ont reçu le statut de réfugiés, 87 se sont évadés. Entassés dans des chambres trop petites, nourrie mais dans l’oisiveté, le temps passe devant la télé, à rêver de liberté.
Puisque je ne suis pas renvoyée à la frontière, je suis conduite au 127bis à Steenokkerzeel pour quelques mois. Enfin, je reçois l’autorisation de sortir et je vais habiter chez mon frère à Beersel. J’entreprends toutes les démarches auprès du Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides, mais, après des mois, le statut de réfugié m’est refusé. Il me reste à entrer dans la clandestinité, comme 100.000 personnes en Belgique. Les conditions de vie sont de plus en mauvaises et je tombe malade. Heureusement, ils ont accepté de me soigner, par pure bonté. Et ma vie de clandestine continue.
Un jour, hélas, contrôle. Me voilà mise en détention durant 6 semaines et ramenée, menottes au poings à l’aéroport pour m’envoler vers le Zaïre. Retour case départ!”
Jouer pour découvrir
Ce que Caroline vient de te raconter, c'est moi qui l'ai vécu dans ce jeu de rôle. C'était passionnant et dramatique à la fois. Une des animatrices m'a mis en prison parce que je n'avais pas de quoi la corrompre. J'y suis resté plusieurs minutes. Une autre, représentant le C.G.R.A., a examiné mon “cas”. Un CD-Rom m'a permis de connaître les problèmes du Zaïre, une carte d'identité au nom de Caroline m'a été fournie. Une vidéo m'a fait rencontré des demandeurs d'asile du centre 127.
Tu dois aller voir cette exposition avec ta classe, ton mouvement, tes copains… Aujourd’hui, on ne peut pas être citoyen du monde sans connaître un peu — ici, ce n’est qu’un jeu! — les conditions atroces que vivent certaines personnes. Pourtant, il n’y a qu’une race, la race humaine.
Père Charles
Père Charles Delhez (Journal Dimanche)
[1]Organisée par le CIRé, Coordination des Initiatives pour Réfugiés et Etrangers, qui regroupe 16 organisations dont le Secours international de Caritas Catholica et le MRAX, mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie..
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